Nous sommes actuellement dans un camping à El Soberbio, un petit village situé non loin de la frontière Brésilienne, à l'Est de la région de Misiones (Nord de l'Argentine). C'est un endroit magnifique, très tranquille, perdu dans la jungle, au bord d'un fleuve. La nature environnante est très variée, et de petits chemins de terre presque rouge conduisent aux maisons situées en périphérie du bourg. Outre de nombreux oiseaux et papillons multicolores, j'ai croisé la route d'une araignée impressionnante, très grosse, et tellement charnue qu'on aurait dit un genre de crabe. Pas très rassurant, d'autant plus qu'elle portait sur elle des milliers de petits bébés qui grouillaient sur sa carapace. Et il parait qu'il y a aussi des tigres et des singes.
Hier soir, j'ai aussi rencontré un couple de profs de Buenos Aires, en vacances pour quelques semaines dans la région.
Investis politiquement dans un mouvement anticapitaliste, ils m'ont longuement parlé de l'histoire contemporaine de l'Argentine, qui était encore une dictature militaire il y a de celà 35 ans!
En effet, avant les années 1980, une grande partie de l'Amérique du Sud était dominée par des dictateurs (Argentine, Chili, Paraguay...) qui sont tous tombés lors d'un mouvement de révolte populaire généralisé. Avant cela, la censure était omniprésente, il y avait un couvre feu et les opposants au régime étaient persécutés: plus de 300 000 activistes Argentins sont morts en 3 ans. Ils étaient enlevés à leur famille, puis on les faisait disparaitre, notamment au moyen ce que les gens appelaient "vuelos de la muerte": des avions militaires décollaient remplis de prisonniers , et revenaient vide. Il semblerait que les passagers étaient tués puis jetés dans la mer ou dans les fleuves.
IIs m'ont aussi parlé d'une histoire incroyable:  les bébés des révolutionnaires étaient enlevés à leurs parents pour être élevés par des militaires ou des médecins sympathisants du régime. Les parents étaient tués. Ainsi, après la chute du régime, une vaste campagne d'analyses ADN a été mise en place à la demande des grands-parents qui souhaitaient retrouver leurs petits enfants biologiques. On estime à plus de 300 le nombre d'enfants "volés".

Aujourd'hui l'Argentine connait de grandes inégalités sociales, et le pays est gouverné par une oligarchie très puissante, qui avance main dans la main avec les grands propriétaires terriens, souvent étrangers, et les entreprises de la mort, comme Monsanto par exemple.
Beaucoup d'Américains, de Chinois et d'Européens achètent des grandes parcelles en Pentagonie, l'entourent de grillage, se construisent une maison, et y postent des gardes pour empêcher quiconque d'y pénétrer lorsqu'ils sont absent, c'est à dire plus ou moins 350 jours par an. Cette privatisation qui rapport au gouvernement est une absurdité écologique et pose de nombreux problèmes aux locaux. La fermeture des espaces a conduit, entre autre, à la disparition des Gauchos, qui sont aujourd'hui réduits à des attractions pour touristes plus ou moins sur jouées. Les grands champs de soja, j'en ai déjà parlé, foisonnent également, toujours au détriment des locaux, indigènes ou petits paysans. Le gouvernement actuel pratique un obscurantisme constant, et il n'es pas rare que les quartiers pauvres payent de leur vie les "progrès technologiques" qui profitent aux plus aisés. L'année dernière, une grande inondation a causé la mort de plus de 90 personnes dans les bidonvilles de la banlieue de Buenos Aires. En cause: une mauvaise gestion des égouts, qui étaient sous dimensionnés par rapport aux besoins de grands immeubles construits non loin... officiellement, les gens sont morts d'arrêts cardiaques, d'électrocution, et même d'accidents de la route (c'est la version officielle de la mort d'un homme qui a été écrasé entre un arbre et une voiture emportée par le courant)! Et bien sûr, aucunes compensations n'ont été proposées aux survivants.
 
Mais les Argentins sont, de ce que j'en ai vu, des gens intelligents avec une vraie conscience écologique et sociale, et surtout ils ont une capacité à se remettre en question beaucoup plus forte que les Européens. Ce qui fait qu'ici les choses évoluent assez vite. Déjà en 35 ans, la société a changé de façon impressionnante, et de façon très prometteuse. 
Aussi, il semblerait qu'ici la censure soit moins importante qu'en France (si, si!), ce qui permet aux idées nouvelles de se propager aisément.