Nous sommes arrivés cette après midi à Jujuy, la dernière grande ville avant la Bolivie. Et déjà on sent comme un air de culture andine. La population change énormément de Buenos Aires: le style latin laisse place à des habitants petits, trapus, avec la peau très foncée et les trais fins, majoritairement de sang natifs. Je les trouve très beaux.
A notre arrivée, impossible de trouver un hostel où poser nos bagages. Nous avons marché un bon moment avant de trouver une petite porte flanquée d'une enseigne non moins visible. Jujuy Hostel. Le hic: le lieu était vide.
Voyant notre air dépité, un passant a vite fait de nous prendre en charge, avec un naturel qui fait chaud au coeur. Il passe des coups de fil, et nous jure que s'il ne nous trouve pas une solution, il nous invite chez lui. Après une bonne demi heure, on tombe sur un voisin qui nous ouvre finalement la porte, en attendant qu'arrive le propriétaire. Nous nous sommes donc retrouvés seuls dans cet hostel vide, au demeurant très joli.
Finalement un habitué de l'hostel est arrivé et a patienté avec nous. Il travaille au ministère de l'éducation et est marié à une des deux seules psychomotriciennes de la région. C'est un homme absolument passionnant. Malgré le fait qu'il travaille pour le gouvernement, il a une vision très critique et très sage de la politique et des méfaits des grands de ce monde. De surcroit, il est passionné par les manières alternatives d'éducation. 
Il nous a parlé de la formation d'un désert de sel situé non loin d'ici...à 4000m de haut. Avec les mouvements tectoniques, il semblerait qu'une partie de l'océan ait été isolé et élevé dans les airs. Par la suite, l'eau s'est évaporée, laissant place à une étendue de sel de plusieurs kilomètres de diamètre.
Il nous a également appris de nouvelles choses sur l'histoire de l'Amérique du Sud, qui est décidément passionnante, et incroyablement complète et mystérieuses. J'ai d'ailleurs deux livres à lire sur le sujet, que je met ici au cas où ça vous intéresse. Le premier parle de l'époque coloniale et des relations avec les indigènes: "Las veinas abiertas de Argentina". Le second parle de l'histoire de la dictature et s'appelle "Nunca Mas". 
Il m'a aussi expliqué que la région de Jujuy compte une importante production de canne à sucre (sucre et papier) et de tabac. Le problème, c'est que de nombreux produits chimiques sont utilisés pour les faire pousser et les raffiner. Outre l'impact environnemental, ces produits intoxiquent la population locale. L'espérance de vie ici est de 55 ans... 
Comme pour le soja en Misiones, je réalise une fois de plus l'impact de notre consommation sur la vie de gens à l'autre bout du monde.
En ce moment, c'est l'époque du carnaval dans tout le Nord Argentin. La fête dure plusieurs semaines et comporte de nombreux rites traditionnels indigènes comme des offrandes à la pacha mama. Ici, on dit que pendant le carnaval tout est permis, aussi les gens, d'habitude humbles et réservés se métamorphosent littéralement. Il y a le jour des célibataires, ou seuls les célibataires sortent dans la rue et se retrouvent. Idem pour le jour des femmes, le jour des hommes, etc.. et personne n'a de comptes à rendre à personne. Pour cette raison, il existe dans la région une proportion non négligeable de ce qu'on appelle les "Enfants du Carnaval".