Depuis deux jours, il pleut fortement à Iguazu. L'orage est tellement fort qu'il nous a privé d'électricité et d'eau aujourd'hui pendant toute la soirée. C'est une vraie puie tropicale, et en quelques secondes les rues se changent en torrents.
Profitant d'une accalmie, nous avons décidé de partir marcher dans la selva (Jungle), à 40 minutes de la ville. Là-bas vit une communauté Mbya Guarani appelée Jasy Pora. Après quelques heures de marche dans la réserve, nous avons fini par les trouver. Les Guarani sont la plus grande communauté indigène d'Amérique du Sud, et vivent majoritairement au Brésil, mais aussi en Argentine et au Paraguay. Leur histoire est tragique.
Avant l'arrivée des colons, ils vivaient de chasse, de pêche et d'agriculture dans les forêts fertiles du centre de l'Amérique du Sud. Cependant, ils ont été chassés par les gros producteurs, notamment de soja et de biocarburants qui déforestent pour cultiver des champs gigantesques principalement destinés à l'exportation. Aujourd'hui, ils sont entassés dans des réserves naturelles trop petites pour couvrir leurs besoins. En Argentine, ils bénéficient d'aides de l'État qui leur permettent à peine de survivre. Ils vendent aussi le produit de leur artisanat aux touristes.
Au Brésil, ils sont persécutés par des paysans armés qui les harcèlent et les exploitent sur tous les plans, et beaucoup sont enfermés en prison, pendant que les autres souffrent de malnutrition. De nombreux enfants sont morts de faim ces dernières années.
En réponse à ces harcèlements, ce peuple, profondément spirituel et pacifiste, n'a d'autres solutions que le suicide, un fléau qui touche aujourd'hui une grande partie de la communauté.
Nous leurs avons acheté quelques figurines en bois et une sarbacane traditionnelle. 
En échangeant quelques sourirs avec un petit enfant Guarani qui jouait dans la boue, je me suis senti profondément écœuré par ce que notre société leur fait subir. Coupable, aussi.
Comment peut-on prétendre être des personnes civilisées quand nous enfermons des êtres humains dans ce qui ressemble horriblement à des zoo, en leur donnant juste assez pour que leur civilisation ne s'éteigne pas? Quel espoir pour ces gens, qui sont condamnés à voir leur culture déracinée sans rien pouvoir faire?
En Europe comme partout dans le monde occidental, on arbore fièrement nos bus aux "biocarburants", parce que nous sommes des gens bien et que nous respectons la planète. Pendant ce temps, des enfant meurent de faim quelque part dans la forêt Brésilienne. C'est le prix a payer pour cette mascarade écologique qui soulage nos consciences et l'image de nos dirigeants.

Plus je découvre le monde et plus je prend conscience des horreurs qu'engendre notre système. 

Après avoir fini notre petite visite, nous sommes rentrés juste à temps à l'auberge pour éviter l'orage. Ce soir nous mangerons à notre faim, puis nous dormirons dans des lits confortables. Et c'est normal.